Il est parfois de ces matchs qui n’étaient pas vraiment destinés à rester dans les mémoires, mais qui par leur scénario et leur contexte ont marqué de leur empreinte une saison ou plus encore, bien que souvent, ce soit bien après que l’on réalise la portée de l’événement.
Ce PSG – Troyes comptant pour la 29ème journée de Ligue 1, version 2002-2003, colle parfaitement à ce type de match au destin incroyable. On met les ingrédients en vrac : un public en grève, une cassure notoire entre Auteuil et Boulogne, la fin programmée de l’ère Fernandez II, deux Parisiens en prêt maltraitant leur club, un scénario hitchcockien, un déplacement au Vélodrome à l’horizon, un retour de Guingamp le bus caillassé, des poteaux qui tremblent… Ajoutez-y Stéphane Pédron et Jérôme Alonzo et vous obtenez une sacrée histoire à raconter !
Nous sommes le samedi 1er mars 2003, le PSG s’apprête à recevoir Troyes dans un contexte explosif. La lanterne rouge du championnat espère bien jouer un mauvais tour à son hôte du soir, battu la semaine passée sur la pelouse du Roudourou par une équipe de Guingamp qu’elle avait pourtant mis à genoux au bout de 55 minutes grâce à deux buts de Ronaldinho et Jérôme Leroy. Mais le réveil breton a fait mal et laissé la gueule de bois aux joueurs comme aux supporters parisiens. 3 buts, dont un doublé victorieux de Drogba, plus tard, c’est avec une défaite improbable que les Rouges et Bleus sont rentrés à Paris, voyant au passage leur bus caillassé et la perspective d’un accueil glacial au parc le weekend suivant.
Benachour en bourreau fratricide
Et ce fut peu de le dire ! Lassé des défaites à répétition et des résultats en dents de scie de leur équipe, miné par une guerre intestine entre Auteuil et Boulogne, guère apaisée par Luis Fernandez, dont le parti pris pour Boulogne n’a fait qu’envenimer les choses, le public du Parc est déterminé à manifester son mécontentement. Grève des encouragements tout le long du match côté d’Auteuil, demandes de démissions en pagaille et sifflets du côté Boulogne, comme dans le reste de l’enceinte, il n’en fallait pas plus pour tétaniser des Parisiens encore groggys par la défaite au goût amère du Roudourou. Alonzo, titulaire en lieu et place de Létizi, ne fait rien pour rassurer ses partenaires et il est déjà bien heureux de voir la tête de Goussé échouer sur la barre (8e), mais ne pourra rien sur le coup de canon de Frédéric Adam, bien décalé sur coup-franc par Sélim Benachour (12e). Le jeune international tunisien se rappelle ainsi au bon souvenir de ses propriétaires. Et ce n’est qu’une esquisse. A peine le temps pour Paulo Cesar de déposer un coup-franc au ras de la lucarne d’Heurtebis que Benachour se charge cette fois lui-même d’un nouveau coup de pied arrêté légèrement excentré sur la gauche pour tromper Jérôme Alonzo d’un magnifique enroulé côté droit du mur (29e). Le jeune néo-Troyen jubile, pendant que le Parc est conforté dans son idée que son équipe l’a abandonné. Les sifflets redoublent d’intensité, les regards côté parisiens sont hagards, perdus. Plus rien n’a de cohérence. Troyes est en difficulté partout cette saison, mais tout lui sourit ce soir.
Pédron rallume la lumière
La mi-temps se rapproche et Paris ne voit pas le bout du tunnel, lorsque Stéphane Pédron, fraîchement débarqué de Lens au mercato hivernal, expédie un coup de canon pur et limpide dans la lucarne droite d’Heurtebis (36e). Si ce but ne réveille que timidement le public, il a le mérite de remettre la tête des joueurs parisiens à l’endroit. Ronaldinho tente une incursion dans l’axe dont il a le secret, mais sa frappe est trop enlevée (37e), laissant ainsi échapper l’occasion de revenir complètement dans la partie. A la pause, Paris a repris espoir, mais Troyes a encore l’avantage et le public n’est toujours pas décidé à pardonner.
Laurent fait frémir le Parc…
Dès le retour des vestiaires, un autre ancien protégé de la porte de Saint-Cloud est tout près de tuer dans l’œuf la révolte parisienne : Laurent Leroy se promène entre Potillon et Pocchettino, mais voit sa frappe écrasée frôler le montant d’Alonzo, battu, qui pique une grosse colère sur le coup (46e). Un centre de Pédron pour la tête plongeante de Cristobal, miraculeusement arrêtée par Heurtebis, semble sonner enfin le réveil parisien (57e) et une minute plus tard, l’ancien Lorientais se saisit d’un coup-franc côté droit. Heurtebis ne peut que repousser la frappe lourde de 25m… dans les pieds d’Aloisio, qui n’en demandait pas tant pour donner un peu de relief à sa prestation. Le Brésilien ne le sait pas encore, mais il vient d’inscrire son ultime but en championnat cette saison. Toujours est-il que Paris est revenu. Fernandez l’a dit à ses joueurs à la pause : un but et c’est la victoire !
Jérôme lui redonne un peu de voix…
Les occasions vont alors s’enchaîner. Aloisio et Ronaldinho flirtent avec les montants (59e, 63e), tandis qu’une main involontaire de Danjou aurait pu donner un penalty dans bien d’autres contextes (67e), Déhu trouve à son tour le poteau de la tête (68e) avant que, sur un service intelligent de Ronaldinho, Fiorèse ne voit sa frappe détournée par Régis dans ses propres filets (70e). Si le kop de Boulogne se remet à chanter, les appels à la démission de Perpère et de Fernandez pleuvent du côté Auteuil, complètement insensible à l’évolution du score. A 3 minutes du terme, Potillon sauve les siens d’un énième retournement de situation en dégageant sur sa ligne une frappe écrasée de Goussé qui avait glissé entre les jambes d’Alonzo. C’est finalement Jérôme Leroy, sur un centre de Fiorèse, qui aura le dernier mot, et fera au moins taire les sifflets (mais pas les appels à la démission).
Un contexte lourd à porter
Paris s’impose dans la douleur au terme d’une deuxième mi-temps aussi flamboyante que fut terne la première. Luis Fernandez constate avec un mélange de mépris et d’amertume les effets de son engagement aux côtés des ultras de Boulogne et préfère retenir la victoire. On ne peut que le comprendre une semaine après la déroute guingampaise. Toutefois, quand on connaît la suite de l’histoire des tribunes du parc, on ne peut que regretter ces paroles, ces provocations et autres malentendus… Dans ce contexte, le déplacement au Vélodrome qui se profile ne semble pas des plus réjouissants et rassurants. L’OM lutte pour le titre, 10 points devant un PSG triste 8ème et qui achèvera la saison au 11ème rang. Le succès de prestige qu’il ramènera du Vélodrome (3-0, avec un festival de Ronaldinho) sera l’ultime coup d’éclat d’une saison à oublier, au terme de laquelle le Brésilien, sous-utilisé, quittera le club. En contrepartie, ce sont coach Vahid et un certain Pauleta qui viendront tenter de redresser le club de la tourmente dans laquelle Laurent Perpère et Fernandez l’ont mis en quelques mois.
Au final, sur ce match si particulier, le mérite du onze parisien aura été d’être capable de renverser la vapeur, une semaine après avoir vécu le schéma inverse, le tout dans une ambiance hostile dans son antre. Comme le disait Fernandez après le match : « On a peut-être eu un aperçu de ce qui nous attend la semaine prochaine. » Mêmes causes, mêmes effets…