Jérôme Triomphe prépare la défense de l'un des trois supporters mis en examen vendredi dans laffaire de la banderole anti-Ch'tis. Son
client, 30 ans, a reconnu avoir participé au déroulement de la
banderole lors la finale de la Coupe de la Ligue PSG-Lens, samedi 29
mars. Il est cadre dans une grande entreprise. Supporter «indépendant»,
il a déjà fait lobjet de deux interdictions administratives de stade
de trois mois dont la deuxième a été annulée par la justice.
Votre client sattendait-il à ce que laffaire prenne une telle ampleur?
Ni mon client ni personne ne pouvait imaginer la démesure que prendrait
cette affaire désormais dEtat : le Président de la République
intervenant publiquement, le Procureur de la République de Bobigny
organisant une conférence de presse, les analyses ADN pour tenter de
retrouver les personnes impliquées alors quil existe des listes
dattente pour ce genre dinvestigations lourdes y compris dans des
dossiers criminels. Un responsable politique a même évoqué la
possibilité de faire appel aux services secrets pour retrouver les
coupables ! Cette débauche de moyens en est même indécente quand on
sait combien dinfractions restent sans poursuites.
Pourtant cette banderole était voulue choquante¦
Elle ne
sadressait pas aux Chtis en général et leurs auteurs navaient aucune
intention de les blesser. Cette banderole sadressait à un groupe de
supporters du club de LENS, les «Red Tigers» dans le cadre déchanges
et de rivalités qui sont récurrents entre certains supporters. Cest
choquant pour un il extérieur non averti mais cela fait des années que
des supporters se répondent match après match par banderoles
interposées, y compris entre certains supporters Chtis de clubs
concurrents. Elles nont pourtant jamais suscité lindignation
daujourdhui alors que leurs termes nont rien à envier à celle qui
est en cause. La médiatisation autour de cette affaire sexplique
certainement par le succès de lexcellent film de Dany Boon «Bienvenue
chez les Chtis». Mais faut-il donc faire 17 millions dentrées pour
être lobjet dune attention et dune protection
politico-médiatico-judiciaire particulières?
«Qui peut prendre au sérieux le fait que les chtis seraient pédophiles, chômeurs et consanguins?»
Alors, laccusation de «provocation à la haine et la violence» était-elle fondée?
Non,
évidemment. Les propos de cette banderole sont en effet volontairement
caricaturaux et outranciers : ils portent en eux-mêmes la démonstration
de leur absence de portée. Qui peut prendre au sérieux , et en tirer un
sentiment haineux ou un comportement violent, le fait que les chtis
seraient des pédophiles, des chômeurs et des consanguins?
Laffaire qui sen est suivie en est dailleurs lillustration : loin
de pouvoir provoquer à la haine ou à la violence, cette banderole a
provoqué lindignation, la réprobation générale et même la compassion
envers les Chtis.
Tout
ce qui est choquant ou même immoral ne tombe pas sous le coup de la
loi. Cest le «droit au mauvais goût» qua développé Maître Francis
Terquem, avocat et cofondateur de SOS Racisme, dans les colonnes de
«Libération» du 4 avril 2008.