Si cest la dernière impression qui compte, la saison a été formidable. Sinon ? Sinon, par-delà les 43 buts crépusculaires de samedi et un suspense sans précédent autour du titre, de lEurope et du maintien, le Championnat de France 2007-2008 de Ligue 1 a confirmé ses tendances profondes : un spectacle inégal, des valeurs si serrées que les destins basculent en trois matches, un arbitrage peu serein, des supporters agités, des équipes trop défensives et des têtes daffiche rajeunies.
CEST LE PROBLÆME du bouquet final : au lendemain dune dernière journée étourdissante, il est difficile de sarrêter tout à fait à ces équipes qui défendent à dix et attaquent à trois, à cette République des supporters dont il faudrait reconquérir le territoire et à ces gros budgets qui construisent sur du sable et senlisent. La saison française qui sachève a livré dautres sentiments, dautres tendances. La paradoxale surprise du Championnat de France 2007-2008 est davoir consacré le triomphe tardif de la logique, même ramenée à la logique économique : Lyon champion, Bordeaux dauphin, lOM au tour préliminaire de la Ligue des champions, la distribution des prix touche, cette fois, à peu près la même population que dans les autres Championnats majeurs. Laffaire est dune remarquable cruauté pour Nancy, qui a été jusquau bout un candidat crédible à la C 1 sans avoir recruté lété dernier. Est-ce la force ou la faiblesse du Championnat de France que de permettre aux équipes très collectives de tordre le cou aux équipes très riches ?
Dans un monde idéal, les équipes les plus riches seraient aussi très collectives. La déception empêchera Nancy de réfléchir au terrible exemple de Toulouse, troisième la saison dernière, torpillé par Liverpool (0-1, 0-4) au tour préliminaire de la Ligue des champions et menacé par la relégation jusquà la dernière journée. Pendant ce temps-là, le règne de Lyon continue. Entre 1992 et 2002, aucun club nétait parvenu à être champion de France deux fois de suite. Depuis 2002, aucun autre club que Lyon na été champion de France. Lincroyable série établit à la fois le mérite et le niveau de compétence dun club qui navait remporté aucun trophée de 1973à 2001 et qui aura su sorganiser pour gagner et durer à la fois. Dans le football français, il était fréquemment arrivé que les vainqueurs sintéressent seulement à la première partie du programme. Ce septième titre na été ni le plus inattendu, ni le plus empanaché. Par le jeu quelle a exprimé, par limage quelle a renvoyée et par ses ressorts collectifs parfois incertains, cette équipe lyonnaise 2007-2008 nétait probablement pas la plus forte de ce septennat doré. Paradoxalement, elle a battu le record de buts de lhistoire du club (74) et elle sera peut-être la seule à réussir le doublé, une performance qui devient rare face aux exigences du format moderne de la Ligue des champions, le premier en France depuis Auxerre, en 1996.
Limpuissance de Paris-SG
Ce septième titre, enfin, aura été celui de lexplosion de Karim Benzema, meilleur buteur et meilleur joueur de L 1 à vingt ans. Au-delà dune image de Championnat des jeunes, venus des centres de formation ou de divisions inférieures (après Ribéry, Valbuena), le Championnat de France 2007-2008 a surtout confirmé son nivellement général, ni par le haut, ni par le bas, plutôt par le milieu : le ventre mou ne la jamais été, secoué par des voyages frissonnants sur les montagnes russes. Ces valeurs resserrées nont pas seulement eu des effets positifs. Derrière le constat du suspense et la possibilité vertigineuse pour chaque équipe dinfléchir son destin à la moindre série de trois victoires se dessine la fragilisation de lentraîneur. Puisque trois défaites changent tout, cette densité provoque une instabilité technique. Sil y a lesquisse dune morale à tirer, il ny a pas de règle, pas de méthode face à ces incertitudes qui sont la marque de la L 1. Marseille et Saint ðtienne livrent deux morales opposées. Le basculement de la saison marseillaise est facile à identifier : après neuf journées, lOM était dixseptième, moment choisi par les dirigeants de lOM pour limoger lentraîneur Albert ðmon et le remplacer par le Belge ðric Gerets. LOM a même glissé à la 19e place, avec son nouvel entraîneur, avant de gagner à Lyon (2-1). Et Marseille a gagné seize places.
Saint-ðtienne, lui, retrouve la Coupe dEurope après vingt-six ans dabsence, alors quil était 16e après 24 journées et sa défaite à Strasbourg (0-3). Un président, Roland Romeyer, voulait encore Roussey. Unautre président, Bernard Caïazzo, nen voulait plus. Et les Verts de Roussey ont terminé à la 5e place. ì la lecture des qualifiés européens, on pourrait avancer que le Championnat de Ligue 1 a cessé dêtre le royaume des petits budgets et le cimetière des clubs prétentieux. Mais il y a la saison de Monaco, de Paris-SG, de Lens. La chute du RC Lens est lune des plus grosses surprises des dernières années. Gervais Martel, son président, a accumulé les mauvais choix dentraîneurs et il a eu le tort de donner les clés du recrutement àGuy Roux, lété dernier. Gervais Martel raconte que, lété dernier, il a donné sa parole à Guy Roux, un soir, à 17 heures, et quà 19 heures Didier Deschamps lappelait pour lui dire quil était daccord pour entraîner Lens. Il aurait dû, sans doute, rappeler Guy Roux à 20 heures.
La relégation a happé Metz très vite et, plus tard, Strasbourg, condamné par onze défaites de rang en fin de Championnat (!). Mais elle a donc épargné le Paris-SG, dont la 16e place finale nest pas compensée par sa victoire en Coupe de la Ligue et sa qualification pour la finale de la Coupe de France. Limpuissance du PSG a été lénorme surprise de la saison, plus grosse encore que les errements de Monaco, devenu un club aux multiples nationalités mais sans la moindre identité. Cest promis : la saison prochaine, on ne fera pas du club parisien un des favoris du Championnat de France.