Cest prostré, hagard, figé et pour tout dire
abattu quAlain Cayzac répond aux journalistes. Comme chaque semaine,
les mots sont les mêmes, lentement répétés, sans variation sémantique
aucune, sur un ton aussi optimiste quun Tranxen 200 qui se baladerait
chez un corbillard. Ces mots tant de fois ressassés ressemblent à « on
ne lâchera rien », « on a un projet sur le long terme »¦ Et puis, il
tourne les talons, la tête basse en direction des vestiaires pour
remonter le moral des troupes. Quelques minutes plus tard, Paul Le Guen
lui succède sur le terrain médiatique avec le même entrain, la même
joie de vivre. On dirait un dirigeant du Parti Communiste un soir
délection présidentielle. Splendeur et décadence du passé.
La joie de vivre des pompes funèbres
Le PSG en est là. Il tangue, il tangue, tant quun
rocher va bien happer ce qui lui reste despoir. En attendant, il
dérive sans vue, sans cap. Ce club francilien, cest pourtant lamour
de sa vie. Il a tout plaqué pour lui : la pub, le fric, la belle vie.
Il a quitté tout ça pour lenfer. Car cest peu dire quil vit un
calvaire depuis maintenant près de deux ans. Sil est vrai que le PSG a
souvent été un club raillé et ridicule, il a aussi connu des heures de
gloires (coupes de France 2004 et 2006, qualification pour la Ligue des
Champions en 2004) ces dernières saisons qui, sans le ramener aux
années 90, lui rappelait sa splendeur passée.
Et puis, Canal + est parti, lassé de porter à bout de
bras un club si encombrant. De nouveaux actionnaires américains sont
venus et il a fallu se chercher une tête pour diriger le tout. Méditant
les parachutages ratés du passé, le club sest tourné vers son vieux
soldat, son poilu fidèle, rescapé de toute les batailles, de tous les
naufrages, témoin des triomphes les plus improbables, de ces folles
soirées dEurope, de ces éliminations humiliantes sur les terrains
perdus. Bref, Alain Cayzac, cétait à lui seul le PSG, lincarnation
même de son club. Et cette place, longtemps, il en a rêvé sans jamais
osé la demander. Alors en ce mois de juin 2006 quand ce fauteuil lui
est enfin offert, il sy assoie persuadé quune nouvelle ère de
lendemains qui chantent souvre pour Paris.
La place est libre
Dailleurs, leffectif à fière allure : Dorashoo,
Kalou, Pauleta, Yepes, Rothen, Armand et le coach Guy Lacombe,
vainqueur de la coupe de France lannée précédente contre
lOM. Toujours attentif aux errements du passé, il décide de ne pas
bouleverser un effectif talentueux et de conserver son entraineur. Il
apporte donc seulement des retouches qui sont dailleurs saluées par la
presse et les supporters : Landreau débarque de Nantes avec le statut
de numéro 2 en équipe de France, Frau vient de Lyon et reste une valeur
sûre croît-on. Bref, du solide sur du talentueux. Tremble Lyon, Paris
est magique.
Mais du magique au tragique il ny a que quelques
lettres. Paris va dabord sécrouler en championnat sans même avoir pu
se bâtir. Dépassés, sans entrain, les joueurs de la capitale errent sur
le terrain et flirtent avec les derniers de classe. Pas une habitude de
la maison. Pire même, après une défaite face à lHapoel Tel-Haviv (2-4)
en coupe de lUEFA, un jeune supporter du PSG est tué par un coup de
feu dun policier à la suite dune ratonnade. Ce mort que tous
redoutait depuis des années est là. Montré du doigt et forcé de jouer
avec une forte présence policière, ce PSG là senfonce dans la crise la
plus profonde.
2007, année noire
Au creux de lhiver, Cayzac ravive une tradition
séculaire au PSG à laquelle il sétait longtemps refusé : limoger son
entraîneur. Exit Lacombe donc et retour du taulier des années 1990 :
Paul Le Guen, triple champion avec Lyon mais remercié au Glasgow
Rangers. Pour que lélectrochoc soit complet, Cayzac, change aussi les
têtes sur le terrain : Gallardo (River Plate), Clement (Glasgow
Rangers) et Luyindula (Levante via Marseille) posent leurs valises au
Parc des Princes. Mais rien ne parait y faire, Paris fonce vers la L2
suite à une défaite à Sedan. Néanmoins, le désastre annoncé naura pas
lieu. Lens, 1er avril 2007, le miracle. Paris gagne chez le second du
championnat (2-1) et sort de la zone de relégation. Les Parisiens ny
retourneront pas. Ils se sauvent en alignant les succès en cette fin de
championnat. Le coup est passé près.
Alors, quand se profile lété 2007, tout le monde se
dit que quand on a vu lenfer de près, on ne veut pas y retourner.
Paris, cest sûr, va recruter. Mais non, Le Guen fait confiance à ses
joueurs et Cayzac acquiesce. Paris rate Castroman, Ziani, Wiltord, Néné
et surtout Gouffran. Il recrute défensif en achetant Camara (St
Etienne), Bourillon (Rennes), Digard (Le Havre) et le brésilien Ceara
(Sao Paulo). Et ce qui devait arriver, arriva. Paris ne trouve pas le
bon tempo et ne gagne son premier match quen septembre au Mans (2-0).
Pire, le club de la capitale narrive pas à remporter un seul succès au
Parc pendant la première partie de saison. Il retourne à sa place
cest-à-dire parmi les reléguables et nen sort quà la faveur dun bon
parcours à lextérieur et dune embellie en janvier (victoires au Parc
contre Metz et Lens).
Fanni au Parc pendant la première partie de saison
Depuis ? Paris fait du surplace et ne gagne plus ni à
domicile ni à lextérieur prenant même une correction à Bordeaux (0-3).
Paris est toujours hors de leau mais ne doit sa survie quà la
médiocrité de ses concurrents (Toulouse, Sochaux, Lens voir Strasbourg
et Caen). Mais Cayzac ne panique pas. Pour lui tout va bien. La qualité
des joueurs qui alignent une deuxième saison dans les bas-fonds du
tableau nest pas en cause selon le Président du club ! Pauleta est, à
35 ans, lattaquant le plus efficace alors quil ne joue pas tout le
temps. Si Yépes, Clément, Chantôme, Camara, Rothen et Armand surnagent,
le niveau densemble est catastrophique. Landreau erre comme une âme en
peine sur la pelouse et na plus dune araignée que les toiles. Les
jeunes ne sont pas aussi mûrs que ne le pense Le Guen. Souza et surtout
Everton sont en passe de devenir des flops retentissants. Ceara a déjà
couté au moins six points au club. Diané dribble à tout va, tête
baissée, oubliant que le foot se joue à onze. Nen jetez plus, Paris
est à lagonie et le super plan sur cinq ans de Cayzac fait bien rire
dans les chaumières. Lhomme de pub fait prendre aux supporters des
vessies pour des lanternes. Avant, une saison ratée et le PSG finissait
huitième du championnat. Aujourdhui, Paris tremble à lidée dune
trente huitième journée décisive contre Sochaux où le précipice ne sera
pas loin. Au final, Cayzac aura réussi à faire croire que finir
neuvième est une performance alors que le club est le quatrième budget
de France et bénéficie du pouvoir dattraction de Paris. Mais Cayzac,
nous dit quil sait où il va¦.
Il a un plan
La vérité, cest que Paris na pas de plan et navigue à
vue. La structure de son effectif inquiète car très peu de joueurs ont
une vraie valeur marchande (Clément est peut-être le seul qui sera
revendu plus cher que son prix dachat). Pour le reste, les jeunes de
Paris ne valent pas les Benzema, Ben Harfa, Nasri ou Ménez. Loris
Arnaud a fait à ses dirigeants ce quon appelle une « El Karkouri »
(cest-à-dire, dire : « le Réal me veut » au moment de renégocier son
contrat. Infaillible). Bref, la bête est à terre, quasi morte et les
vautours prennent ce qui reste.