Alors que la firme américaine recherche un nouveau partenaire, ses chances de réussite au PSG restent difficiles à évaluer.
LE 8 NOVEMBRE DERNIER, Sébastien Bazin et Charles Villeneuve avaient pris place dans lEurostar de 8h7 pour Londres. Une petite virée pour assister à Arsenal-Manchester United. Mais les sabotages observés ce jour-là sur le réseau ferroviaire ne permettront jamais au directeur Europe de Colony Capital et au président du PSG de voir les Gunners battre les Red Devils (2-1), à lEmirates Stadium. Forcés de rebrousser chemin vers la capitale en voiture de location, ils boucleront leur journée au Camp des Loges en spectateurs de lopposition à huis clos des joueurs de Le Guen, la veille du match contre Lille (1-0).
Un jour, on saura peut-être si Bazin voulait aller à Londres, la veille de son 47e anniversaire, parce que le PSG la rendu accro au foot. Ou parce quil estime que, pour devenir fan de foot aujourdhui, il faut parfois regarder autre chose que le PSG. En investissant dans le club parisien au printemps 2006, lobsession de Colony Capital nétait pas, bien sûr, den faire une référence du jeu. Aux côtés de Butler Capital Partners et de Morgan Stanley, la firme basée à Los Angeles avait saisi dabord lopportunité de racheter le club unique dune capitale prestigieuse. Un club bradé par Canal +. Au final, laffaire naurait coûté que 21 M¬ au trio de repreneurs. ì peine 7M¬ par « tête »¦
Depuis le début de lannée, après avoir repris la quasi-totalité des parts de Walter Butler, Colony Capital est devenu lactionnaire de référence du club de la capitale. De facto, Bazin possédait depuis lorigine le leadership en tant que président de Colfilm et de Holdings Sports et Evenements (HSE). Monté par les nouveaux propriétaires du PSG, Colfilm est un holding qui englobe HSE et ses filiales : le PSG, dun côté, mais aussi la SESE, la Société dexploitation sports et événements, qui gère le Parc des Princes.
Paris deviendra-t-il une affaire rentable pour le fonds dinvestissement américain ? Au coeur des 25 milliards deuros dactifs gérés par la firme américaine à travers le monde, le Paris Saint-Germain nest pas un enjeu vital, surtout dans une période de crise financière et immobilière. Mais cest lactif à limpact médiatique le plus fort. Celui dont le succès ou léchec sera étroitement lié au nom de Colony Capital. Lactif, qui envahit lemploi du temps de Sébastien Bazin beaucoup plus que ce quil pouvait imaginer.
Bazin, pourtant, est un patron qui délègue. Surtout au niveau du sportif, même si la décision de limoger ou non un entraîneur ne peut être prise sans son aval. Le boss accorde les enveloppes budgétaires. Il est aussi celui qui peut les « sucrer », à loccasion. En débarquant, fin mai, à la tête du club, Villeneuve pensait trouver 15 M¬ sur son bureau pour recruter. Courant juin, il a appris quil faudrait se débrouiller sans, finalement.
Deux ans et demi après son arrivée, le bilan provisoire de Colony laisse en suspens une double interrogation. La compagnie californienne doit-elle regretter davoir investi dans le PSG entre 40 et 50 M¬ (mise initiale, pertes à combler, rachat des parts de Butler¦) ? La réponse sera connue le jour où le fonds américain se retirera, dici trois à cinq ans¦ ou peut-être dès demain, en cas doffre irrésistible. Colony laisse filtrer la rumeur quil vendrait difficilement en dessous de 125 M¬. Quand il sest agi dacquérir les parts de Butler, le club navait pourtant été valorisé quà 70 M¬. Un prix autour duquel se négocie a priori le retrait de Morgan Stanley.
Autre question : Colony Capital est-il un « bon » actionnaire pour le PSG ? Le « oui » lemporte aux yeux de ceux qui observent notamment que « CC » a toujours assumé des pertes financières substantielles (18,9 M¬ en 2006-2007, autour de 12 M¬ en 2007-2008). Mais il y a les partisans du « non », ceux qui pensent quun propriétaire aussi colossal naccorde pas assez de moyens au PSG. Et dautres, qui pensent encore quun club de foot, de par sa dimension sociale, presque de service public, ne peut être un bien spéculatif.
« Colony recherche une rentabilité indirecte, analyse Frédéric Bolotny, économiste au Centre de droit et déconomie du sport, à Limoges. Ce fonds investit dans le club par rapport aux marchés que pourraient lui ouvrir les collectivités publiques parisiennes et aussi pour utiliser le Parc des Princes comme vitrine de son savoir-faire au niveau des stades. Pour Colony, investir dans le PSG, un club très exposé, cest investir dans un outil de relations publiques. »
Filiale de Colony, Stadia Consulting Group, impliqué dans la construction du futur grand stade de Lille, est au coeur de cette stratégie autour dun marché qui sannonce très porteur en France. Jusquà présent, Colony na pu toucher au Parc, conséquence de procédures lentes dont Bazin sagacerait, en privé. Mais pas au point de claquer la porte dun club dont il entend continuer à rationaliser au maximum les dépenses.
Dimanche, Anelka lui avait mis des places de côté pour Chelsea-Arsenal. Mais Rennes-PSG tombait le même jour. Peut-être y a-t-il vu le signe, trois semaines après son expédition manquée, quil convient décidément de rester à distance de la démesure du football anglais.