Il avoue écouter, lire, regarder tout ce qui se raconte et sécrit sur lui comme sil sagissait dun autre. Comme si Hoarau le footballeur et Guillaume, M. Tout-le-Monde, étaient différents. Comme si le grand réunionnais de vingt-quatre ans était spectateur de la notoriété qui gagne lavant centre du PSG, déjà onze buts en L1. Face à ses statistiques, Guillaume Hoarau brandit sa lucidité et prend du recul par rapport aux éloges. Parce que lancien attaquant du Havre sait doù il vient. Du Havre, justement, là où pas grand monde naurait misé sur lui quelques années en arrière, lorsquil débarquait de son île pour un essai dune semaine. « On était cinq gamins de Saint-Pierre, se souvient-il sans amertume. On avait treize ans. Deux seulement ont été retenus. Jétais déçu davoir échoué mais content de rentrer chez moi, au soleil. »
ì la Réunion, les six années suivantes se conjuguent au bonheur. Hoarau est la star locale, le successeur de son père dans le club de sa ville, la Saint-Pierroise. Et les dirigeants normands gardent un oeil sur ce grand gaillard. ì dix-neuf ans, un nouvel essai lui est proposé. Retour en métropole. Aéroport Roland-Garros de Saint-Denis : + 35 degrés. Port du Havre : 0 degré. Il restera pourtant en deuxième semaine, puis en troisième. « Ma mère sinquiétait parce que je ne rentrais pas », sourit-il. Le père, lui, a pigé. Le HAC lui fait signer un contrat pro lété suivant. Pour son premier match, à Amiens (2-1) le 13 août 2004, il entre en jeu et marque. La voix royale vers une carrière prometteuse ? Pas encore. « Lentraîneur, Philippe Hinschberger, me laissait sur le banc, explique Hoarau. Puis il a été remplacé en cours de saison par Thierry Uvenard, qui sappuyait sur Lesage et Traoré, les deux meilleurs buteurs de L2. Moi, jétais en CFA ou bien je faisais des bouts de match en pros. » La situation lagace en silence. Le stade Deschaseaux ne lui pardonne rien et le conspue à chaque raté.
« ì certains moments, il se demandait sil nallait pas lâcher, raconte Jean-Pierre Louvel, le président du Havre. Son environnement a été précieux. » Sa famille le soutient au quotidien et Thierry Gras, son agent, ne le lâche pas dun iota, multiplie les invitations aux entraîneurs pour voir jouer son poulain et trouve une solution en décembre 2006. « Il lui fallait du temps de jeu, dit ce dernier. Javais un contact avec Victor Zvunka, prêt à laccueillir à Gueugnon (L 2). Le président Louvel était daccord pour le prêter mais pas Uvenard. » Hoarau : « Moi, Gueugnon, je ne savais pas où cétait. Jai pris une carte de France et jai regardé. Je me suis dit quil devait faire froid là-bas¦ Mais jai écouté les conseils de Thierry, mon père spirituel. Le coach au Havre ne voulait pas me laisser partir, mais je lui ai dit que mon choix était fait. » Il arrive le jeudi, est titularisé le vendredi. Premier match, premier but. Il en marquera huit, contribution indéniable au maintien des Forgerons.
Armand : « Il fait partie des trois meilleurs attaquants français »
Gueugnon, cest le coup denvoi de sa vie dadulte. Il y rencontre la mère de son fils, Andrea, né il y a quelques semaines, et explose aux yeux des observateurs. « Jy ai travaillé mon comportement et gommé mes défauts, comme paraître nonchalant sur le terrain. » Il capte lattention dAuxerre et Strasbourg, prêts à racheter sa dernière année de contrat. Jean-Marc Nobilo, le nouveau coach havrais, refuse. Il a tellement bien bossé son comportement à Gueugnon quHoarau engage le bras de fer. « Javais vingt trois ans et plus de temps à perdre, se justifie-t-il. Avant de partir en vacances, Jean-Marc ma répété quil ne me lâcherait pas. Dans ma tête, je me suis dit : Cest ça¦ Du coup, jai séché le premier jour. Mes dirigeants devaient réaliser que le petit Guillaume avait grandi. Mais le coach na pas cédé. »
La suite est connue. Hoarau, meilleur buteur de L2 la saison dernière avec vingt-huit réalisations, permet au HAC de monter. Dès janvier, lOM et Lille sont à laffût, mais cest le PSG dAlain Cayzac qui le séduit. Sous le charme, ce dernier a apprécié létat desprit du réunionnais. « Il était libre de sengager où il voulait, sans indemnités, mais il a tenu à ce que son club perçoive un transfert de 500.000 euros, quitte à rogner sur sa prime à la signature, souligne lex-président parisien. Je navais jamais vu ça¦ » Aujourdhui, tout le monde loue sa classe, sa générosité, sa bonne humeur et voit en lui un international en puissance, capable demmener le PSG vers les sommets. Il na dailleurs pas hésité à prendre le numéro 9, abandonné par Pauleta. « Cest ma femme qui y tenait, sourit-il. Parce quelle est née le 9-9. Alors, quand on ma demandé, jai dit : le 9. On ma répondu : Tes sûr ? Oui, je létais. » Depuis, il fait lunanimité parmi ses coéquipiers. « Ce quil réalise est costaud, reconnaît Sylvain Armand. Dabord, parce quil fallait être capable de succéder à Pedro, puis, parce quil fallait sadapter à Paris. Mais vu ce quil a démontré depuis cinq mois, oui, il fait partie des trois meilleurs attaquants français du moment. » Le néo-parisien sait que « ça va vite dans les deux sens » et refuse de sextasier. Quand on part daussi loin, on a envie de profiter.