Lépisode de la banderole scandaleuse déployée samedi soir au Stade de
France aurait pu facilement être évité. Cest ce quaffirme une source
proche du ministère de lIntérieur, qui préfère garder lanonymat.
Selon notre informateur, la cellule opérationnelle du Parc des Princes
(Copp), lorganisme de police judiciaire attaché à la sécurité autour
du PSG, avait demandé officiellement à ce que 50 supporteurs du club
parisien, connus pour leur potentiel de nuisance, soient frappés dune
interdiction administrative de stade. «Cette demande na pas abouti. Sur les 50 noms proposés, seuls 8 ont été interdits, explique cette source à Libération.
Si cette sanction préventive avait été acceptée, les Boulogne Boys
nauraient jamais pu déployer cette banderole samedi au Stade de
France.»
Morceaux. Pour cette cellule dune dizaine de personnes,
linterdiction préventive – un simple soupçon suffit à la prononcer –
est un moyen efficace dempêcher les supporteurs les plus virulents
dentrer dans lenceinte dun stade. Selon la même source, la banderole
a été introduite assez facilement au Stade de France : découpée en
plusieurs morceaux, elle était très fine et pouvait être aisément
dissimulée sous des vêtements. La banderole a été déployée par-dessus
la bannière officielle des Boulogne Boys. Personne dautre quun
Boulogne Boy ne se serait permis de le faire.
Le groupe de supporteurs parisiens est bien connu des services de
police. Avec 106 caméras à lintérieur et autour du Parc des Princes,
rien néchappe aux membres de la Copp, mise en place en 2005. Ces
policiers surveillent les écrans de contrôle du stade, constatent les
flagrants délits et identifient les coupables. Ils ont tout pouvoir
pour mener une action judiciaire et conduire les fautifs devant un
procureur.
Cette fois, leur demande sest perdue dans les méandres de leur
hiérarchie. La Copp dépend directement du commissariat central du XVIe arrondissement,
lui-même dépendant du chef de secteur. Les demandes dinterdiction de
stade doivent ensuite transiter par différentes directions avant
datterrir sur le bureau du préfet. Lequel na peut-être même pas été
mis au courant de lexistence de cette liste de 50 supporteurs à
risques. La préfecture navait pas donné sa version des faits hier soir.
La Copp serait également bordurée par les Renseignements généraux
(RG), un service actuellement en plein marasme en raison de la réforme
qui les fait fusionner en partie avec la Direction de la surveillance
du territoire. «Pour les RG, le pouvoir de la Copp empiète sur le leur, dit un bon connaisseur de la maison police. Ils
ont demandé par voie syndicale que cette équipe spécialisée ne puisse
plus effectuer les déplacements avec le club parisien. Et ils ont
obtenu gain de cause.»
Au Parc des Princes, les supporteurs se savent surveillés, et il ne
se passe pratiquement plus rien. En revanche, en province, les
incidents se multiplient. Lorsque la Copp se déplaçait en dehors de
Paris, elle échangeait des informations avec les PJ locales. Depuis
décembre, il ny a plus ce relais. Dans le cadre plus précis des
événements de samedi, Saint-Denis est considéré comme un déplacement
hors de la capitale. Quelques membres de la Copp ont pu sy rendre en
tant quobservateurs, sans pouvoir juridiquement intervenir.
ADN.
«Le Stade de France est la pire enceinte sportive en France au niveau sécurité, précise un spécialiste des stades. Et, si les fautifs nont pas été formellement identifiés, cest tout simplement parce quils nont peut-être pas été filmés.» Un
comble pour la police de Nicolas Sarkozy, qui base son action sur la
vidéosurveillance. La vidéo du Stade de France serait de mauvaise
qualité et ne permettrait pas didentifier les coupables. La police
scientifique a été appelée à la rescousse pour rechercher des traces
dADN sur des bouts de banderole saisis.
Pendant ce temps, Bernard Laporte, secrétaire dEtat à la Jeunesse et aux Sports, dénonce un «dispositif dinterdiction administrative de stade encore insuffisamment appliqué». Une aubaine pour les 42 supporteurs qui nauraient pas dû pouvoir se rendre au stade samedi.