VOILì PRESQUE DEUX ANS que vous jouez au Paris-SG. àtes-vous heureux ?Landreau (Il réfléchit.) Oui, mais il me manque quelque chose. Sportivement. Paris, cest ça : tu vis des choses que plein de gens ne peuvent pas vivre mais tu ne ty retrouves pas tout le temps.
Vous imaginiez cela en arrivant à Paris ?
On peut sy préparer. Il reste le terrain, ce quon va vivre. Et ce serait dommage de ne pas le vivre.
Avec un peu de recul, comprenez-vous pourquoi vous avez traversé une si mauvaise période ces derniers mois ?
Je ne fuis pas les choses. Dans une carrière, dans une saison, tu as des périodes où, pour des raisons pas spécialement palpables, tu es plus ou moins performant. Médiatiquement, je suis très exposé. Dabord avec le Paris- SG, un club très dur, avec des résultats difficiles. Jai aussi joué une très bonne dernière saison. Et puis, il y a lEuro en juin. La qualification a été difficile. Il y a une pression énorme autour du poste de gardien.Vous créez lévénement. Il y a eu lopposition entre Barthez et Coupet,il y a eu celle entre Landreau et Frey ; maintenant Mandanda et Lloris. áa me rappelle des souvenirs. Je me revois dix ans en arrière. Quand je suis arrivé sur le marché, cétait pareil.
Pendant cette période, les critiques ont été rudes mais vous avez tenu. Il y a chez vous ce côté presque inhumain, très froid.
Je vois ce que vous voulez dire. Jai une conception du bien-être qui ne doit pas dépendre dun bon ou dun mauvais match. Quand ça va bien, vous nallez jamais mentendre menflammer. Je nai pas envie de changer, dêtre aigri, malheureux. On est dans un monde où il y a beaucoup de sélectionneurs, dentraîneurs. Il y a un côté Jaime ce joueur, jaime pas celui-là ; il est bon, il est pas bon. Je respecte lopinion de chacun. Mais ce que je naccepte pas, et que je naccepterai jamais, ce sont les choses fausses écrites sur lhomme. Quand je lis par exemple que jai refusé une interview et que ce nest pas vrai, je ne supporte pas. Et puis, il y a des moments où jai assumé, et dautres où jai préféré me taire.
Pourquoi ?
Je ne vais pas commenter tous les buts que je prends. Je nai pas envie de passer pour quelquun qui fuit ses responsabilités, qui montre du doigt sa défense, ou qui cherche des excuses. Je ne le ferai jamais. Vous me voyez dire : bah là, jai pris le but parce que le ballon fusait ? Jai quatre cents matches en L 1, je ne vais pas rentrer dans un truc de gamins.
Peu de joueurs du PSG, à lexception de Jérôme Rothen, vous ont soutenu. Cela vous a-t-il attristé ?
Je ne suis pas daccord avec vous. Qui vous dit que les joueurs ne mont pas soutenu ? Il y a des gens qui nont pas besoin de le dire à tout le monde et qui ne me planteront jamais une épée dans le dos. Ceux qui lont fait médiatiquement ont peut-être agi pour se faire mousser. Ils seront les premiers à menfoncer. Ici, tout est récupération médiatique. Je ne parle pas de Jérôme, qui mavait prévenu.
Avez-vous craint de perdre votre place au Paris-SG ?
Non, je nai pas peur du lendemain. De ne plus être footballeur. Je nai pas peur de ce que peut représenter le vide.
Depuis quelque temps, vous êtes plus régulier. Quavez-vous changé ?
Rien. Jai vu des titres comme Landreau enfin guéri . Dans ces cas-là, je medis : mais comment font les gens qui ont une maladie grave ? Je suis bien physiquement, je mentraîne, jessaie dêtre le meilleur. Je ne me suis pas renfermé. Jaurais évidemment préféré être décisif, apporter quelque chose. Souvent, pour un sportif de haut niveau, la blessure intervient quand tu nes pas bien dans ta tête…
Et vous ne vous êtes pas blessé…
Interprétez ça comme vous voulez. Mais ce nest pas anodin. Jai toujours cherché un équilibre. Je ne revendique pas être le meilleur gardien du monde, je sais que je ne le suis pas.
Vous êtes dans les trois meilleurs français ?
Tout dépend qui juge, selon quels critères. Mon objectif, cest daller à lEuro et de le vivre pleinement. Si on a besoin de moi, je serai présent. Je lai été quand Grégory Coupet sest blessé et quil a fallu jouer la fin des qualifications.
Que répondez-vous aux gens qui estiment que vous devez votre place en équipe de France à votre relation avec Raymond Domenech ?Je ne commente pas ce que pensent les gens. Je ne peux pas les empêcher de dire ça. Moi, je me réfère aux faits. Ma première sélection, cest Roger Lemerre qui me la donnée. Ma première compétition, cest Jacques Santini. Et ma première phase finale, je lai connue en 2006 avec Raymond Domenech. Mais très franchement, un coach ou un sélectionneur choisit un joueur parce quil pense quil va lui apporter quelque chose.
àtes-vous aujourdhui un meilleur gardien quà votre arrivée à Paris, à lété 2006 ?
On est toujours meilleur quand on a engrangé un maximum dexpérience. Aujourdhui, évidemment, si je dois Jouer un match en équipe de France,je suis mieux armé quil y a six mois, un an, deux ans,cinq ans. Même chose pour un match de L 1. Je suis blindé pour gérer ce quil y a autour. Avec les Bleus, lors de la dernière Coupe du monde, le mieux armé était Fabien Barthez. Là, pour la prochaine phase finale, le mieux armé est Grégory Coupet. Il ny a jamais de choix pris par hasard ou pour le plaisir.
Après votre victoire en Coupe de la Ligue (2-1, contre Lens), vous avez donné limpression, avec PeguyLuyindula, dêtre les joueurs les plus heureux du PSG. Cela avait-il un rapport avec le contexte du club ?On en revient à des choses plus simples que cela. Une carrière, cest des matches mais aussi des émotions. Gagner des trophées. Peut-être que remporter la Coupe de la Ligue ne marrivera plus jamais. Alors je profite du Stade de France, des gens qui sont autour. Jétais heureux de profiter de ça, de le montrer à ma famille. Cest fabuleux de gagner un trophée dans des conditions difficiles. Et ce nest pas parce que derrière il y a le maintien, avec un match énorme à sortir contre Strasbourg (1-0) pour la survie du club, q u e tu dois passer à côté des autres émotions.
ì Paris, votre rôle est-il différent de celui que vous aviez à Nantes, où vous aviez tendance à protéger les autres joueurs ?
Je ne compare pas. ì Nantes, à lépoque, javais huitans de football professionnel derrière moi. Les autres avaient trente matches de Ligue 1. Je ne pouvais pas sacrifier leurs carrières, jétais obligé de prendre pour eux. Je voulais éviter quils se sentent responsables de choses dont ils nétaient pas responsables. Je nétais pas dans une démarche de protection individuelle. Et je ne le serai jamais.
La réception de Nice, ce soir, est encore capitale. Ce nest pas usant de jouer chaque week-end le match le plus important de la saison ?
Non. Quand on vit avec une telle pression, il peut y avoir des périodes de relâchement. Mais je vis avec, jassume. Je pense quà Paris, tu ne peux pas avoir un match tranquille. Il y a toujours quelque chose… Nous, on a le maintien à aller chercher. Il faut vivre avec ça jusquà la fin de la saison. On a un mois pour se sauver, avec nos défauts, nos qualités.
Quelles qualités ?
On a une certaine solidité défensive. On concède moins doccasions que la saison passée. Mais on a un problème majeur, cest de ne pas arriver à marquer dans nos temps forts. On a toujours ce poids qui pèse sur le match. On est rarement à labri dun but. En finale de la Coupe de la Ligue, on a des balles de 2-0, on peut et on doit tuer le match. On ne le fait pas. Et on aurait très bien pu échouer. Mais je nai pas trop envie de revenir sur ce qui a manqué ou pas manqué. Ce nest pas le plus important. Si on en est là, cest quil y a des manques, des carences. Après, il y a des responsables au club qui doivent réfléchir et se poser des questions. Pourquoi on est là ? Pourquoi deux années de suite ? Que faire pour la saison prochaine ? Aujourdhui, ce nest pas notre rôle. ì la fin du Championnat, on pourra se revoir, se mettre autour dune table et aborder ces sujets. Parler du Camp des Loges, du parking, des travaux quand on sentraîne, de ce manque de sérénité. On ne cherche pas dexcuses car cest la réalité. Il faut sen sortir dans ce contexte. Mais à un mois de la fin, ce serait trop facile de revenir sur le passé.
Le regain defficacité de léquipe à domicile est surprenant . Comment l expliquez-vous a lorsque vous naviez pas gagné un match jusquà l a trêve ?
Cest très simple ! Aux matches aller, à lextérieur, on joue des équipes qui sont plus faciles. Au retour, à domicile, on joue aussi des équipes plus faciles. áa situe notre vrai niveau… La quasi-totalité des équipes qui occupent les six ou sept premières places, on les a jouées chez nous avant la trêve. Lyon, Bordeaux, Nancy, Marseille, Rennes… On perd aussi contre Lorient, mais à lépoque, cétait vraiment fort. Et je pense que dans un autre club, sans la pression énorme du Parc, on passait Caen et Toulouse.
Vous arrive-t-il de douter ?
Je nai jamais douté. Je ne me suis jamais dit quon nallait pas y arriver. Je me suis souvent dit que ça allait être dur.On a lesmoyens de sen sortir. Mais on nest pas seuls. Il y a quatre équipes avec trente-cinq points (avant la 33e journée). Chaque match va être psychologiquement un combat.
Ressentez-vous la dégradation de limage du club depuis plusieurs mois ?
Ici, les histoires sont multipliées par dix mille. Par exemple, on ne parle plus de laffaire Gerets-Ziani (le 19 mars, lentraîneur de lOM et son joueur en étaient venus aux mains à la mitemps du 8e de finale de Coupe de France contre Carquefou), alors quà Paris, on en aurait fait des tonnes. ì Lille, je vois (Nicolas) Fauvergue critiquer (lentraîneur) Claude Puel. Sil se passe la même chose ici, cest lenfer pour lentraîneur… Une baston, cest même pas la peine : cest le journal de 20 heures, un débat entier à la radio. Mais y aurait-il les mêmes réactions à Toulouse ?… Donc vous imaginez lhistoire de la banderole. Il y a le PSG, lun des clubs les plus populaires de France, et un film (Bienvenue chez les Chtis) qui va peut-être battre tous les records avec 18 millions de spectateurs. Tout ça réuni, il y a des intérêts en jeu partout. Et on tape sur le PSG, alors quon na jamais parlé des autres clubs.
Il y a quelques années, on était quand même loin de la mort dun supporter, de laffaire de la banderole…
Mais la société est comme ça ! Le foot a pris une telle importance que politiquement et sportivement, les situations sont liées. Et plein de gens bien supportent le PSG, de toutes les couches de la société.
Cest la première fois aussi quun espoir du football français, Yoan Gouffran, refuse de venir jouer au PSG…
On ne peut pas savoir sil a eu raison… Cest peut-être la plus grande erreur de sa carrière. Peut-être aussi son meilleur choix. Mais ce qui est important, cest quil reste six matches.
Ce nest pas le moment de parler de tout ça. Cest la même chose pour Everton et Souza ! Ils sont là, ils font le maximum. Eux, ils y sont pour quoi ?
Avez-vous une idée de ce que sera votre avenir dans le foot ?
Ce club demande tellement dénergie,de présence, que je vis avec limage du PSG. Je vis avec ce que sont les supporters du PSG. Je me donne à fond, je ne peux pas men dissocier . Aujourdhui, jai six matches devant moi pour le maintien, et puis lEuro. Cest pour cela que je ne me vois pas ailleurs quà Paris. »