Amara Diané, il faut se poster à l'arrière des vestiaires du Camp des
Loges. C'est par là que ce curieux spécimen sort pour rejoindre son
joli coupé, et accorder quelques minutes sous la pluie. L'attaquant
ivoirien, 25 ans, n'aime pas parler. Et fuit la foule. Ce jeudi matin,
il feinte afin d'éviter les gamins derrière les barrières qui
pourraient lui réclamer des autographes. Le roi de l'esquive a deux
surnoms officiels: "TGV" et "Amaradona".
áa ne lui plaît pas. On suggère la "Loco d'Abidjan" pour sa ressemblance avec Michael Johnson, l'ancien athlète américain ? Un demi-sourire: "On me le dit souvent, c'est un compliment."
Raillé pour sa maladresse devant le but, Diané, passé par Roye, Reims
et Strasbourg, est le joueur le plus prolifique du PSG: dix buts toutes
compétitions confondues. Ce soir, en l'absence probable de Pauleta, il
s'y colle à Bordeaux.
Vous avez déjà inscrit huit buts en 2008 après un début de saison plus pénible…
Ok, j'ai des faiblesses devant le but, donc je tente de les corriger.
J'ai connu des moments difficiles, je les mets de côté. Je laisse les
gens critiquer, je fais ma propre analyse. J'en ai pris plein la tête.
De partout. Tous les joueurs en prennent en pleine face quand ils ne
sont pas bien. Ce n'est jamais facile d'entendre des trucs négatifs sur
soi, mais ça fait partie du métier. áa permet de grandir. Mentalement,
j'essaye d'être fort.
Vous semblez avoir un gros besoin d'être aimé.
Peut-être. Certains de mes entraîneurs l'ont ressenti comme ça, il doit
donc y avoir une part de vérité… Dans tous les clubs où je suis
passé, j'ai vécu des trucs difficiles. Cela ne m'a pas empêché de
progresser.
Ces critiques ne sont-elles donc pas négligeables ?
Si, c'est ce que je me dis souvent. Je sais d'où je viens.
Vraiment ? Tous les footballeurs disent cela…
Oui, vraiment. Déjà, je ne suis pas français mais ivoirien. J'ai perdu
ma mère, j'ai abandonné l'école faute de moyens et mon père s'est fait
virer de la maison où j'ai grandi. Je sais ce que j'ai vécu avant de
venir ici. Son passé, on ne l'oublie jamais.
"Je ne me compare pas aux autres joueurs"
Vous êtes aussi arrivé en France à 17 ans, sans club…
Par l'intermédiaire d'un cousin qui était venu en vacances en Côte
d'Ivoire. J'avais toujours eu envie de venir jouer au foot en France.
On en a discuté. Il en a parlé à mon père, qui a accepté. Je me suis
retrouvé chez lui à Mantes-la-Jolie. Le choc. Je ne connaissais rien de
la France. J'ai pris sur moi. De toute façon, je ne m'attendais pas à
ce que ce soit facile. Je repense très souvent à ces moments-là. J'ai
vécu des trucs que personne ne saura jamais: c'est mon secret.
Quelle était votre réputation en Côte d'Ivoire?
Je venais de commencer à l'Assec Abidjan. Je n'étais pas une star. Il y
a plein de bons joueurs au pays, mais ils ne sont pas tous connus. Moi,
j'ai tenté ma chance. Il fallait bien que je commence quelque part. ça
fut là où j'ai atterri: à Mantes, en amateurs. Je n'étais pas payé,
donc j'ai dû travailler. Avec un de mes cousins, j'ai distribué des
journaux dans les boîtes aux lettres.
Votre efficacité retrouvée a coïncidé avec le mercato, durant lequel
Fred et Gouffran étaient annoncés, et la CAN pour laquelle vous n'avez
pas été sélectionné. Cela vous a motivé?
Pas forcément. Je ne me compare pas aux autres joueurs. Quand tu
connais tes qualités, tu n'en as pas besoin. Et je connais les miennes.
Si on fait venir un joueur dix millions de fois plus fort que toi,
c'est normal et tu ne dis rien.
On vous annonçait au Qatar. Pauleta est-il intervenu pour que vous restiez à Paris?
Oui, c'est vrai. Normal qu'il ait son mot à dire : c'est le capitaine.
Il a joué son rôle en me disant ce qu'il pensait. Pedro est un grand
joueur, connu dans le monde entier, et un grand frère. On s'est
toujours très bien entendu. Il m'aide beaucoup, me conseille pour
m'améliorer devant le but.
Est-il vrai que sans l'intervention de Didier Drogba, qui préférait Gervinho (Le Mans), vous seriez allé à la CAN?
Je ne sais pas d'où sort cette histoire ! Franchement, je n'en ai rien
à cirer. J'ai été un peu déçu de ne pas avoir participé à la CAN, mais
pas longtemps. C'est juste dommage qu'on ne l'ait pas remportée. Mais
l'Egypte l'a méritée.
Pourquoi le PSG passe-t-il les tours en Coupe et n'aligne pas deux résultats en championnat?
On n'aborde pas les deux compétitions avec la même mentalité. La Coupe
de la Ligue, c'est quatre (cinq) matches qui donnent un ticket pour
l'UEFA. Si tu la gères bien, c'est quand même une bonne opportunité. En
championnat, on n'est pas bien. Cette situation est fatigante. On fait
tout pour relever la tête. ça va être dur jusqu'au bout. Si on m'avait
dit en août dernier que l'on serait 16e à la 27e journée, j'aurais
préféré partir. La saison dernière, on a mérité nos difficultés. Pas
cette saison. On montre un autre visage, mais le championnat est plus
serré.