LES YEUX ROUGIS, la mine fatiguée, Lilian Thuram
entame sa conférence de presse au Parc des Princes par ces quelques mots : « Si je suis là,
ce n'est malheureusement pas pour vous annoncer que j'ai signé au PSG. » La stupeur parcourt
la salle. L'international français, qui nous a reçus hier après-midi, dévoile qu'il souffre
d'une malformation cardiaque qui pourrait l'empêcher de continuer sa carrière.
passé lors de la visite médicale préalable à la signature de votre contrat avec le PSG ?
Thuram.
Jeudi, lors de cette visite, le cardiologue a détecté une malformation cardiaque. Ce
fut une grosse surprise. Au début, tout se passait bien. Puis je lui ai parlé de la mort de
mon frère et de mes antécédents familiaux. Il a alors poussé ses recherches plus loin et j'ai
vu rapidement qu'il y avait un problème. Les résultats de mon examen ont montré que mon coeur
est à la limite du raisonnable. Etant donné les problèmes qu'il y a dans ma famille, je dois
désormais faire des analyses plus approfondies pour savoir si c'est héréditaire. D'ici un mois,
on aura les résultats définitifs et on saura si je peux ou non continuer à jouer.
Quels sont
ces antécédents familiaux ?
Mon frère est mort en 1994 à cause d'un problème cardiaque. Lors
de son décès – j'avais alors 22 ans et je jouais à Monaco -, j'ai passé des examens pour savoir
si je souffrais du même mal. On a alors vu que ma mère, ma soeur et un de mes frères avaient
également cette maladie. Mais moi, non. On m'a donc autorisé à continuer à jouer. Ensuite, tout
au long de ma carrière, j'ai eu d'autres examens qui n'ont jamais rien révélé. Ce qui m'arrive
aujourd'hui est assez incroyable. J'ai cru que c'était une blague, un mauvais film. Mais ça
ne l'est pas.
« Je ne suis ni fou
ni inconscient »
Pourquoi cela n'a-t-il pas
été décelé plus tôt ?
Peut-être simplement que les choses ont évolué. Il y a des maladies qui
se développent avec le temps. A la question pourquoi personne ne l'a vu avant, je réponds :
parce que je n'avais rien. Je ne sais pas si je dois dire heureusement ou malheureusement. Peut-être
que j'aurais pu avoir ce problème plus jeune et que cela m'aurait empêché de jouer. Peut-être
que ce n'est rien et que je pourrai recommencer à jouer. J'aurais peut-être la chance de ne
pas avoir ce que mes frères et ma mère ont.
A chaque changement de club, avez-vous toujours
passé des examens cardiaques approfondis ?
Oui, bien sûr. Mais, jusqu'à présent, rien n'avait
été détecté parce qu'il n'y avait rien à détecter.
Et avant l'Euro 2008 ?
On
m'a fait pas mal d'examens. Mais celui-là, je ne crois pas. Je ne me souviens pas en tout cas.
est votre état d'esprit aujourd'hui ?
Quand je rentre à l'hôpital pour passer une banale visite
médicale, je suis encore joueur de foot. Quand j'en ressors, je sais que je ne pourrai peut-être
plus jouer au ballon. C'est donc quelque chose d'extrêmement difficile. D'autant plus qu'il
y a cette attente maintenant. J'aimerais savoir ! Ce qui est important aujourd'hui, ce n'est
pas tant de savoir si je vais pouvoir ou non continuer ma carrière. Peut-être que je suis malade
et c'est cela qui me tracasse. Si je le suis, j'aurais eu la chance qu'on le découvre à ce moment-là.
Au moins, cela m'empêchera d'avoir un accident plus tard.
Si tout va bien, continuerez-vous
votre carrière ?
Si on me dit que je peux jouer au foot, oui ! Si on me dit qu'il y a un risque,
non. Je ne suis ni fou ni inconscient.
alors de jouer au PSG ?
J'aimerais
! J'en ai discuté avec le club. C'est très clair : le PSG doit faire son recrutement sans attendre
de savoir si je serai apte. Il pourrait alors passer à côté de certaines opportunités, et je
ne le veux pas. S'il trouve un autre joueur à mon poste, je comprendrais de ne plus faire partie
de son projet. C'est assez délicat d'attendre un joueur alors que ce dernier ne pourra peut-être
plus jouer.
dans le projet du PSG ?
Le président tenait absolument
à ce que je signe. L'entraîneur, que je connais depuis très longtemps, a fait de moi sa priorité.
Quand vous savez tout cela, vous avez envie de rejoindre le PSG. Quand Paul Le Guen était à
Lyon déjà, il me disait en blaguant qu'il voulait me recruter. Je savais qu'il avait pour moi
une certaine estime. Il m'a contacté dès qu'il a su que j'étais libre. C'est ce qui m'a touché,
ému. Par ailleurs, il y a beaucoup de joueurs français, évoluant à l'étranger ou en équipe de
France, qui aimeraient venir au PSG. Ce club attire. On sait tous que le PSG n'est pas à sa
place. On voudrait tous participer et ramener Paris en haut du tableau. Le PSG fait toujours
rêver.