Lorsque le Paris Saint-Germain renoue avec la Coupe d’Europe des Clubs Champions à l’été 94, il vient d’enchaîner deux demi-finales européennes perdues contre la Juventus de Roberto Baggio et l’Arsenal de Ian Wright. On ne le sait pas encore, mais on n’arrive alors qu’au milieu d’une série historique de 5 demi-finales consécutives, agrémentée de deux finales en bout de parcours.
L’exubérant Luis Fernandez a succédé au sobre Arthur Jorge. Et tandis que le FC Nantes survole le championnat de Division 1 en alignant 32 matchs sans défaite et en défaisant les Champions en titre 3-0 au Parc des Princes, le PSG réalise un sans-faute impressionnant en phase de poule, écartant de sa route Kiev, Moscou et le Bayern Munich de Papin. Pourtant, ce fantastique parcours ne lui offre aucun répit pour les quarts de finale où il faudra sortir le grand jeu face au Barça de Stoïchkov, qui a laborieusement terminé 2e de son groupe, derrière l’épouvantail de cette Coupe d’Europe, l’IFK Göteborg, et devançant à la différence personnelle un Manchester United laminé au Camp Nou 4 à 0.
Le double rendez-vous du mois de mars a donc de nouveau un accent espagnol, comme les deux précédentes années, où il avait fallu renverser l’ogre madrilène. Au match aller, Georges Weah vient d’une belle tête sur corner réparer la bourde monumentale de Lama, qui s’est glissé le ballon dans son propre but sur un centre anodin de Korneev. Le Paris SG a marqué ce si précieux but à l’extérieur et se pose en bourreau des clubs espagnols. Ce soir-là, pourtant, c’est un autre joueur qui fait saliver les commentateurs : Vincent Guérin.
L’infatigable milieu de terrain relayeur impressionne. Le journal Libération évoque même l’admiration suscitée en Catalogne : « Après sa prestation du feu de dieu à Barcelone, la presse espagnole a vu en lui le Guardiola français. » L’éternel discret commence à goûter à la lumière, déclarant lui-même au journal : «La confiance je l'ai toujours eue, la réussite je l'ai en ce moment. J'en profite en sachant que c'est sûrement cyclique.» Son énergie et sa sobriété ne seront sûrement pas de trop au moment de préserver le bon résultat acquis au Camp Nou.
Pourtant, après une première mi-temps qui voit trois centres de Ginola frapper la barre transversale et Raï le poteau d’une magnifique tête plongeante, c’est Bakero qui vient doucher les rêves parisiens en ouvrant le score dès la reprise, un but de renard à bout portant. Les minutes s’écoulent et la pression parisienne est intense… Ginola, encore lui, à la conclusion d’un contre rapidement mené, entreprend de lober Busquets… mais la barre transversale l’a maudit ce soir-là et repousse une nouvelle fois sa tentative.
L’atmosphère devient étouffante. On sent ce PSG capable de revenir, d’arracher la prolongation, mais rien ne tourne en sa faveur. Fernandez s’apprête alors à sortir un nouveau défenseur pour faire rentrer Nouma, mais avant cela, il y a un corner à jouer. L’inévitable Valdo s’en charge et le dépose sur la tête de son compatriote, Raï, qui égalise à 18 minutes du terme. L’ambiance devient démentielle au Parc des Princes, qui se croit revenu deux ans en arrière avec la venue du Real et le match de folie qui s’en était suivi.
On se dirige droit vers une prolongation, lorsque Colleter réalise un coup du sombrero dans son camp, suscitant l’admiration des commentateurs Jean-Michel Larqué et Thierry Roland. Le ballon remonte jusque dans les pieds de Valdo. Devant lui, le nouveau héros discret du club, Vincent Guérin. Le travailleur de l’ombre se retrouve aux avant-postes. Il reçoit le ballon. « C’est du grand football ! » s’exclame Larqué. « C’est du grand, grand football ! » reprennent en chœur les deux compères. Vincent le sait, il l’a dit, l’a senti. C’est son jour. Celui qu’il n’oubliera jamais. Ce genre de soir qui laisse votre image, votre visage à jamais gravé dans les mémoires des supporters.
Alors, quand il reçoit ce ballon à 30m du but barcelonais, il s’avance. Une, deux foulées avant de déclencher une frappe, « pas très puissante, mais idéalement placée » (Larqué), qui vient se ficher au ras du poteau d’un Busquets trop court. Weah exulte et embrasse le ballon. Guérin, lui, part dans une course folle. Si peu habitué à célébrer les buts, il savoure celui-là comme une consécration, l’espoir d’une reconnaissance qui le fuit depuis si longtemps. Il sent peut-être qu’il tient son billet pour le panthéon du PSG, à la 83e minute de ce PSG – Barcelone de légende. Paris jouera sa 3e demi-finale européenne consécutive, face au Milan de Savicevic et Boban. Ah Boban ! Son but nous rappela sans hésiter…
Mais laissons, CECI est une autre histoire…