Pas
du tout. J'ai été approché il y a quelques semaines par l'ancien
directeur général du groupe Bouygues, Michel Derness, que je connais
très bien et depuis longtemps. C'est lui qui m'a mis en rapport avec
Sébastien Bazin, le patron du fond Colony Capital et actionnaire du
PSG. Très vite, les discussions ont avancé, jusqu'à ce qu'il me propose
la présidence du club, et ce à ma très grande surprise.
Qu'allez-vous faire dans les jours qui viennent?
Regarder.
Examiner. Prendre le pouls du club. Et, surtout, ne pas me précipiter.
Je vais avancer à pas cadencés, comme le vieux militaire que je suis.
Si je m'en tiens au nombre de messages d'encouragements, que j'ai reçu
sur mon portable, depuis deux jours (plus de 200 SMS), je devine à quel
point le football reste un concentré d'excès et de passions. Tout cela
invite à la sagesse. Aujourd'hui, jour de ma nomination, j'ai déjeuné
pour la première fois avec Paul Le Guen, l'entraîneur du PSG, qui
retrouvera son fauteuil la saison prochaine. Nous avons débroussaillé
le terrain.
Dans quel climat?
Dans un bon climat, même s'il
y avait entre nous quelques malentendus qu'il fallait purger, du temps
où j'étais à TF1. Paul Le Guen a toujours été un homme de Canal+.
J'avais essayé, en vain, à l'époque où je dirigeais le service des
sports de La Une, de le faire suivre par quelques-unes de nos équipes,
au jour le jour, dans son intimité. Je trouvai l'idée originale, mais
il s'y était toujours refusé. Le garçon est pudique, secret, peu
bavard. Mais, c'est le passé.
De quels moyens allez-vous disposer pour relancer ce club?
J'espère
pouvoir tabler sur une enveloppe de 30 millions d'euros. Cela serait le
Pérou. Moyennant quelques départs de joueurs, je voudrai embaucher un
grand gardien, un à deux grands attaquants, ainsi qu'un libero et, si
j'en ai les moyens, un bon milieu de terrain.
C'est toute l'ossature du club que vous chamboulez…
Vous
savez, je suis adepte du beau jeu. Celui qui mêle le classique à
l'originalité, la fougue à l'audace. L'équipe dont je rêve ressemble à
celle de Chelsea: c'est le football que j'aime. J'ai biberonné au foot
anglais et à celui-ci, en particulier. Et j'ai été heureux de voir,
lors de la finale de la Coupe de France, combien le Paris-Saint Germain
était capable de très beau jeu, face à Lyon.
On ignore souvent, d'ailleurs, que certains des joueurs du PSG ont
des qualités mal exploitées. Regardez, un garçon comme Rothen: il a
fallu que ce soit la presse anglaise, qui dispose d'outils que nous
n'avons pas, en France, qui m'apprenne que ce joueur avait été le
meilleur passeur du championnat de Ligue 1, cette saison. Il ne
manquait qu'un autre bon joueur, là bas, devant, pour concrétiser ce
beau jeu et achever le travail.
C'est dommage…
Comme vous dites…
Quelle politique, au-delà du jeu lui-même, comptez-vous mettre en place?
Je
veux m'appuyer sur l'énorme tissu associatif qui draine la région
parisienne. Il faut que le PSG, à travers son centre de formation, et
au-delà, parvienne à dénicher les talents de demain. Et je veux, comme
Sébastien Bazin, ouvrir le Parc des Princes à ces jeunes de banlieue
pour qui le football est un rêve. C'est ainsi que je vais proposer que
l'on réserve une tribune de ce stade à tous ces jeunes qui rêvent d'y
aller plus fréquemment. Ils y auront accès grâce à l'instauration d'une
tarification avantageuse.
Votre départ mouvementé de TF1 ne risque-t-il pas de
compliquer vos relations avec votre ancien employeur et à faire de TF1
une chaîne anti-PSG?
Pas du tout. Là aussi, c'est le passé.
Même, s'il est vrai que j'aurais souhaité que mon départ se déroule de
manière plus honorable. J'ai des rapports normaux avec le PDG de cette
chaîne, Nonce Paolini, et de magnifiques rapports avec mes anciens
collaborateurs et les équipes de TAP, la société de production que
j'animais. J'imagine mal qu'un club comme le PSG n'ait pas de bonnes
relations avec TF1, à l'avenir. Et inversement.
Vous dites avoir été submergé par les messages de félicitations. Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué?
Le
plus chaleureux est indiscutablement celui de l'industriel François
Pinault. Mais je pourrais citer, également, ceux du PDG de Total,
Christophe de Margerie, d'entraîneurs, comme Jacques Santini ou Arsène
Wenger, ou de joueurs comme Fabien Barthez. J'ai reçu également de
nombreux messages d'hommes politiques, mais aussi d'officiers de
l'armée, de généraux…
On touche là à la face cachée de votre personnage: l'homme de réseaux…
L'homme de nombreuses fidélités, de nombreuses amitiés, d'abord.
Tout ceux qui sont passés par le poste que vous allez
occuper disent avoir vécu l'enfer. Avez-vous conscience de la
difficulté de la tâche qui vous attend?
Arsène Wenger, que j'ai eu au téléphone, m'a dit: "Es-tu prêt à souffrir?" Cela m'a plongé dans un abîme de réflexion…
Vous avez oublié un nom dans la liste, celui de Nicolas Sarkozy, que vous connaissez bien, également: pas de message?
Non.
Mais moi, j'en ai un: des sous! Le pouvoir d'achat du PSG doit être
amélioré! Pardonnez la boutade, mais est-il normal, plus sérieusement,
que l'agglomération de Londres compte aujourd'hui pas moins de six
clubs de football de haut niveau, quand Paris peine à en faire vivre un
seul? Il faudra, tôt ou tard, que les pouvoirs publics se penchent sur
cette question.